Défis et inégalités de la santé mentale en Belgique
Santé mentale en Belgique : priorité nationale face à une demande croissante, des accès inégaux, de longs délais, des coûts cachés et la stigmatisation persistante. Malgré les plans de réforme, des défis structurels et financiers demeurent pour assurer des soins équitables et accessibles à tous.

La Belgique se distingue par son système de santé complexe, associant libre choix du praticien, mutualités et services publics. Cette structure offre une couverture étendue, mais elle engendre aussi des inégalités tant en matière d’accès qu’en qualité des soins. Ces disparités deviennent particulièrement visibles lorsque l’on considère les soins de santé mentale, un domaine qui, en 2023, a été élevé au rang de priorité nationale. Malgré une série d’initiatives de réforme, de nombreux défis persistent.
Au cours des cinq dernières années, le recours aux services de santé mentale a connu une nette augmentation : les consultations chez les psychiatres ont bondi de 20 %, un chiffre révélateur d’une sensibilisation accrue à la santé mentale, renforcée par l’impact psychologique de la pandémie de COVID-19. Toutefois, cette demande croissante met la pression sur un système déjà sous tension.
L’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) fait état d’un besoin grandissant de services accessibles, mais ceux-ci demeurent inégalement répartis sur le territoire. Alors que la région bruxelloise concentre de nombreuses structures spécialisées, les régions rurales de Wallonie et de Flandre souffrent d’un manque criant de professionnels et d’infrastructures. Dans certaines communes, les patients doivent attendre jusqu’à six mois pour une première consultation spécialisée, bien au-delà des délais préconisés par l’Organisation mondiale de la santé, qui recommande une prise en charge rapide pour garantir l’efficacité du traitement.
Le Plan National Santé Mentale 2021-2025 vise à corriger ces déséquilibres en favorisant une meilleure intégration des services et la création de réseaux de soins. Malgré cette ambition, la réalité sur le terrain reste marquée par des obstacles structurels. Les professionnels de santé dénoncent une surcharge chronique dans les hôpitaux psychiatriques et une coordination encore insuffisante entre les différents acteurs du parcours de soins. Les données issues de l’enquête “Mental Health Survey 2022” montrent par ailleurs que 40 % des Belges ayant sollicité un soutien psychologique n’ont pas pu le recevoir dans les deux semaines suivant leur demande, un délai pourtant crucial pour certaines pathologies.
Au-delà des capacités de prise en charge, des barrières financières subsistent malgré la couverture théorique par les mutualités. Les coûts indirects – tels que les frais de transport, les absences professionnelles ou le peu de soutien accordé aux proches – freinent l’accès effectif aux soins. Par ailleurs, la stigmatisation entourant les troubles mentaux reste très présente dans la société belge. D’après une étude universitaire récente, trois quarts des personnes interrogées reconnaissent que cette stigmatisation influe sur la volonté de consulter, accentuant ainsi l’isolement des personnes concernées.
Face à ce constat, le besoin d’une approche repensée devient évident. L’intégration réelle de la santé mentale dans le système de santé belge nécessite un engagement politique fort, un investissement financier conséquent ainsi qu’une stratégie de sensibilisation à l’échelle nationale. Si des progrès ont été réalisés, le chemin vers une offre de soins équitable et complète reste long. La prévention, la décentralisation des services et la lutte contre les préjugés seront des leviers indispensables pour faire de la santé mentale une réalité accessible pour tous.




